Note générale :
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Trois ans après le très célébré Welcome To Mali, et bénéficiant de la roborative planche d’appel d’une tournée par chez nous largement couronnée de succès, le couple malien fait feu de tout bois, poursuivant l’expérience de ses concerts dans le noir (Eclipse, puisque c’est le nom de l’entreprise, emploiera en outre des diffuseurs de parfum), et offrant à la planète ébahie le plus périlleux pari de leur carrière : un nouvel album alimenté de rencontres aussi prestigieuses qu’internationales, et dans lequel il aurait été facile à des artistes moins déterminés de se perdre. Car la mondialisation acharnée d’Amadou & Mariam génère ici un disque aussi exceptionnel que baroque, à la fois en phase directe avec une certaine sensibilité universelle, et totalement hors-cadre. Enregistré successivement à New York (pour la fièvre urbaine), au Mali (pour la pulsion initiale) et à Paris (capitale de la diaspora), Folila (Venez jouer) convoque technologie de studio et guitares râpeuses, fièvres amoureuses et déclarations poétiques, et distille un slogan définitif : aujourd’hui le royaume (man)dingue, demain l’univers. Le chaland sera naturellement attiré par la multiplicité de noms connus et reconnus qui illuminent le programme, et c’est parfait : qui, aujourd’hui, peut en effet en table ouverte inviter la très sensuelle Santigold, le poète Theophilus London, deux TV On The Radio en choristes de luxe, un guitariste touareg (Abdallah Oumbadougou) en plus court chemin vers le Delta du Mississippi, un Scissor Sisters toujours falsetto mais en vacances des dancefloors, ou la très britannique et très métissée Ebony Bones dans l’ivresse d’une rumba congolaise hi-tech ? Et qui d’autre que les Africains, peut, encore une fois, aligner pareil casting sans risquer d’y perdre l’âme de sa propre musique ? On se montrera naturellement plus particulièrement attentif aux prestations de Bertrand Cantat, qui a transporté voix, guitare et harmonica à Bamako, et illumine de sa force tellurique pas moins de quatre chansons de l’opus : les épousailles des chants noirs et blancs impulsent à " Oh Amadou " cet élan qui en fera assurément l’un des locataires privilégiés du printemps qui vient. On se permettra en creux, après une très convaincante prestation au côté du groupe Shaka Ponk, d’y déceler là la vraie renaissance artistique du Bordelais. Débutée sous le sceau d’une carrière vaguement typique, la trajectoire d’Amadou & Mariam prend avec Folila un essor fédérateur, entre rage et grâce, tradition et ultra-moderne unicité : un chorus de guitare pour faire imploser les frontières, un feulement vocal pour nous réapprendre la passion, et la musique de demain, aujourd’hui. Indispensable.Christian Larrède
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